Quand un enfant peut-il manger seul?
Pour bien des parents, l’introduction des aliments complémentaires vient avec son lot d’interrogations. Au cours du processus, une question revient inévitablement : quand mon bébé sera-t-il en mesure de manger par lui-même ? Quelques réponses et des suggestions parfois étonnantes.
Lorsqu’il est question d’introduction des solides chez les bébés, il est intéressant de se pencher sur les stades de développement de la motricité fine et des capacités orales. Cela permet d’identifier les textures et les formes d’aliments appropriées en fonction de l’évolution de ces capacités. D’ailleurs, les dernières recommandations de Santé Canada pour les nourrissons nés à terme et en santé en tiennent compte. Décortiquons ensemble les principales étapes de ce processus.
De la naissance à environ 6 mois
Dans les premiers mois de vie, le bébé peut téter, sucer et avaler pour se nourrir. Vers 3 ou 4 mois, il arrive à saisir les objets dans ses mains et avec le temps, il peut même les porter plus ou moins précisément à sa bouche. Dans ces conditions, il est donc évident que le seul moyen de lui offrir des aliments serait qu’un adulte lui donne des purées à l’aide d’une cuillère. Cependant, il est maintenant recommandé d’attendre que bébé ait environ 6 mois avant de lui offrir des aliments, peu importe sous quelle forme ! Le lait maternel (ou les préparations commerciales pour nourrissons) suffit à combler tous les besoins nutritionnels jusqu’au jour où bébé démontre des signes qu’il est prêt à commencer à manger.
Vers 6 à 7 mois
Généralement, un bébé né à terme et en santé montrera de l’intérêt pour la nourriture vers 6 mois et il aura les capacités physiques, orales et digestives pour prendre ses premières bouchées. Il est donc recommandé de proposer des aliments solides avec une variété de textures douces ainsi que des aliments à manger avec les doigts dès le début. Au niveau moteur, les bébés de cet âge arrivent généralement à agripper les objets, à les retenir dans leur poing fermé et à les porter à la bouche. Une fois rendus là, ils peuvent les mordre en faisant des mouvements de haut en bas avec la mâchoire. Concrètement, les aliments suivants peuvent être proposés à votre apprenti ? : purées plus ou moins lisses de fruits, de légumes, de viande ou de substituts; céréales pour bébé et aliments mous en bâtonnet (morceaux de fruits mûrs, de légumes cuits, de rôties…). Par contre, inutile de mettre ces aliments dans un bol ou une assiette, ils risquent de voler à travers la pièce !
Vers 7 à 9 mois
La progression peut être plus ou moins rapide selon les enfants et il n’y a généralement pas de raison de s’inquiéter. Graduellement, les bébés arrivent à ouvrir leurs poings pour accéder aux objets à l’intérieur et à saisir de plus petits morceaux avec la « pince à trois doigts ». Au niveau oral, ils peuvent déplacer les aliments d’avant en arrière et les mâchouiller. Il est donc temps de progresser au niveau des textures et de la grosseur des aliments offerts. Idéalement, les textures grumeleuses devraient être introduites avant 9 mois, pour assurer leur acceptabilité. Vous pouvez donc déjà délaisser votre robot culinaire, une fourchette suffira à obtenir la texture recherchée ! Assurez-vous d’avoir à chaque repas des aliments en purée grossière (viande mijotée, carotte écrasée, riz ou quinoa en sauce, banane écrasée…) et des morceaux d’aliments mous (patate douce, courgette cuite, avocat, melon, pilon de poulet, muffins maison avec céréales pour bébé…). C’est aussi le temps de proposer de l’eau à votre bébé dans une tasse ouverte, c’est-à-dire sans couvercle. Aidez-le en tenant le verre avec lui et laissez-le vous impressionner !
Entre 9 et 11 mois
C’est une période de développement rapide qui concorde avec une augmentation significative de l’appétit. En laissant votre coco manger par lui-même de plus en plus souvent, vous lui donnez la chance de développer au maximum ses capacités oro-motrices et son autonomie. À ce stade, les enfants arrivent généralement à faire la « pince à deux doigts » et donc à saisir de tout petits morceaux. Ils peuvent bouger la langue de droite à gauche, peuvent croquer certains aliments et arrivent à les mastiquer davantage. De plus en plus, l’enfant devrait consommer la même chose que le reste de la famille et prendre place à table avec les autres. Normalement, tous les groupes alimentaires et toutes les formes d’aliments devraient avoir été intégrés à ce stade. Des morceaux plus petits ou plus croquants peuvent être offerts pour manger avec les doigts (petits pois, pâtes coupées, pomme râpée, bleuets, céréales à déjeuner, œufs brouillés, morceaux de viande tendre…). Plutôt que de les mettre directement sur la table ou le plateau, vous pouvez commencer à les servir dans des bols ou des assiettes. Déposer aussi des cuillères et des fourchettes à portée de main, votre enfant se montrera peut-être intéressé à faire ses premiers essais. Laissez-le explorer le gruau, le yogourt, la sauce à spaghetti, le chili, la compote de pommes... et aidez-le au besoin.
Entre 11 et 15 mois
À ce stade, une routine de repas est généralement bien établie et, selon les recommandations, les enfants devraient manger comme le reste de la famille vers 12 mois. Si on leur a laissé l’occasion de manger par eux-mêmes, ils sont assez habiles avec leurs doigts et commencent à manipuler les ustensiles. Ils arrivent à mastiquer et croquer les aliments ainsi qu’à les essuyer sur leurs lèvres. C’est donc sans trop de difficultés qu’ils peuvent consommer les mets familiaux. Il est possible de continuer à les couper finement et à les offrir à la cuillère selon leur dextérité ou alors de les laisser s’alimenter par eux-mêmes. Si désiré, le lait entier peut être offert à la tasse en remplacement du lait maternel (ou de la préparation pour nourrissons). Donc pas nécessairement besoin de passer par le biberon !
Entre 16 et 24 mois
Au cours de ce dernier stade de l’introduction des aliments complémentaires, votre enfant devrait maîtriser l’ensemble des capacités oro-motrices nécessaires pour s’alimenter seul. Il mange la même chose que les autres membres de la famille, seules les portions et la grosseur des morceaux doivent être adaptées. Normalement, il mastique bien, mange de tout et boit seul dans un verre. Au début, il utilise encore souvent ses doigts, mais il opte graduellement pour les ustensiles, qu’il manie de plus en plus habilement. Il ne restera en fait qu’à introduire les aliments qui présentent un risque d’étouffement (arachides, raisins entiers, maïs, bonbons durs…) qui pourront être offerts sous supervision quand les molaires seront sorties.
Les clés du succès
Pour une introduction des solides réussie, il importe de respecter le rythme de votre bébé et de vous adapter à son développement oro-moteur. Il faut aussi vous faire confiance, vous êtes les mieux placés pour savoir ce qui lui convient. Et surtout, laissez-le se salir ! Il a besoin de toucher et d’explorer pour apprivoiser les aliments et établir une saine relation avec la nourriture. Amusez-vous à le regarder découvrir ce nouvel univers de sensations !
SOPHIE MOREL, Dt.P.
Nutrionniste et maman de deux jeunes enfants
Consultations à domicile et atelier sur l’alimentation autonome du bébé
www.sophiemorel.com • info@sophiemorel.com
Pour plus d’informations :
- Santé Canada (La nutrition du nourrisson né à terme et en santé : Recommandations pour l’enfant âgé de 6 à 24 mois)
- Naître et grandir
- Nos petits mangeurs
- Dispensaire diététique de Montréal