Pas de bisous forcés cette année!

Cette année, chère famille, j’ai pris une résolution. Je ne vous embrasserai pas ! ­Non ! ­Je ne crains pas vos poignées de main, vos virus ou la gastro. J’ai simplement pris la décision d’apprendre le consentement sexuel à mes enfants, et ça commence par le respect de ma propre intimité.

Puisqu’on sait maintenant que la seule façon d’enseigner aux petits à se protéger des abus sexuels est de ne pas leur imposer de l’affection, j’y mets un point d’honneur. Avec moi, les enfants ne sont jamais forcés à donner des bisous ou des câlins. Ils apprennent ainsi que leur corps et le droit de dire non leur appartiennent en toute situation. Les « bonjour », les bisous soufflés et les « au revoir » de la main sont des codes gestuels de politesse qui permettent à l’enfant d’intégrer pleinement la notion primordiale du consentement dès son plus jeune âge.

On veut tous que notre enfant sache dire « non » s’il vit un contact physique déplaisant. Pourtant, une étude inquiétante a révélé qu’un adolescent sur trois n’avait reçu aucune notion de consentement sexuel. Il est temps d’y remédier, et ça commence en bannissant les « ­Va donner tes câlins avant de partir » !

Mais il faut aussi se rappeler que fillette et fiston nous observent attentivement. Ce que nous faisons est beaucoup plus important que ce que nous disons ! C’est ainsi qu’à ­Noël dernier, j’ai réalisé que je devais d’abord et avant tout mettre la priorité sur mon propre ressenti. À l’approche de mon départ d’une soirée, je me suis vue embarquée contre mon gré dans un tourbillon de séances de becs sur les joues en guise d’au revoir. Pour la première fois, j’ai fait l’exercice de me centrer sincèrement sur ­moi-même. Qu’­est-ce que je ressentais à laisser des presque inconnus dont j’ignorais parfois même le prénom faire irruption dans mon intimité ? ­Constat inquiétant : je ne m’y sentais pas à l’aise du tout ! J’aurais mille fois préféré pouvoir me contenter d’un au revoir verbal ou d’une sympathique poignée de main, mais je n’arrivais pas à conserver une distance entre mon corps et les autres.

Comme on sait que les enfants apprennent beaucoup plus en nous observant qu’en nous écoutant, je me suis alors posé la question : « ­Comment ­pourrais-je leur enseigner qu’ils ne sont jamais obligés de participer à ce rituel si ­moi-même je m’y sens contrainte ? »

Alors, cette année, chère famille, c’est terminé. Je ne vous embrasserai pas ! N’en faites pas une affaire personnelle ; mon but n’est pas de vous froisser. Je veux simplement enseigner à mes enfants que les grandes personnes n’ont pas le droit de forcer l’intimité et que, même du haut de leurs trois pommes, les enfants ont toujours la possibilité d’exercer leur droit de refus. Je souhaite les protéger des abus sexuels en leur apprenant l’intimité et le respect de leur corps. Et, d’abord, ça passe par moi.

Je vous invite d’ailleurs à faire de même. Et si, cette année, pendant les fêtes, on se contentait de donner des baisers à ceux qui ont une place unique dans notre vie ? ­Et si on n’accueillait dorénavant que les câlins offerts sincèrement, tout en évitant bien sûr d’être déçu de ceux qu’on ne recevra pas ? ­Et si, par ce simple geste, on sauvait des vies ?

CAROLINE LANGEVIN
Éducatrice formée, Caroline Langevin travaille en service de garde depuis 15 ans. Passionnée du domaine de la petite enfance, elle termine actuellement un baccalauréat en éducation. Elle est aussi auteure de romans et de livres pour enfants.

 Facebook : CarolineLangevinAuteure

Par Caroline Langevin

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