Le petit prince et sa rose, ou l'attachement au deuxième enfant
Notre collaboratrice a eu une surprise de taille lorsqu’elle a appris l’an dernier qu’elle était enceinte d’un deuxième enfant, à 41 ans. Un tourbillon d’émotions et de questionnements qui se poursuit maintenant que bébé est né.
Je viens d’accoucher.
En fait, mon nouveau bébé a 3 semaines.
Je suis devant l’écran, fatiguée, les yeux qui brûlent, un peu confuse, je me demande où ce texte me mènera. J’allaite presque 24 heures par jour et j’écris avec une seule main ! Défi.
J’ai passé presque les neuf mois de ma grossesse à me demander comment j’allais faire pour aimer un deuxième enfant autant que ma fille de quatre ans. Quatre années à bâtir une compréhension et une appréciation de la personne qu’elle devient. J’ai appris à la connaître et à m’attacher à elle. Comment j’allais faire pour en aimer autant un autre ? Tout le monde me disait : « Ne t’en fais pas, ça se fera tout seul, tu verras ! » Well, tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne le sait pas, right ! ?
L’accouchement s’est bien déroulé, puis quelques jours à l’hôpital, puis le retour à la maison, et mes relevailles, plus faciles que mes premières. Dans une bulle de fatigue et de douleurs, je me suis laissé mener par ce qu’il y avait à faire pour la survie de notre nouvelle arrivée, sans trop me poser de questions quant à mon amour pour elle. Je suivais le flow.
Puis, un après-midi, quand ma grande m’a dit « Maman, j’aimerais flatter la petite fille encore un peu », j’ai compris que cette petite personne était une étrangère pour elle aussi. Pas juste pour moi ni pour papa, qui n’en disions rien. « La petite fille » était nouvelle pour tous les membres de la famille, et personne ne savait comment l’approcher réellement. Tout ce que nous avions essayé avec notre première fille ne semblait plus fonctionner, tout était nouveau. D’ailleurs, j’avais même du mal à me rappeler son prénom : il ne venait pas naturellement, jamais. Je m’inquiétais.
C’est un matin, alors que je dormais avec mon bébé, que j’ai senti son souffle sur ma joue. Ça m’a comme envoûtée. Bizarrement. Comme si ça m’avait réveillée pour une première fois sur mon attachement envers elle. Puis, une autre fois, je me suis vue danser, avec elle dans mes bras, dans le salon. Puis, je lui ai chanté une berceuse dans la voiture alors qu’elle pleurait.
Il y a eu l’allaitement plusieurs heures par jour, les rots, les essuyages de bouche et aussi de fesses, les emmaillotages de couverture, les gaz et les maux de ventre, les berceuses, les bisous, les nombreuses photos, les dodos, les petits bains, les petits soins, les pleurs que nous ne savions pas comment calmer, la prise de poids tardive, les cliniques d’allaitement, les découragements…
Puis, je me suis surprise à vouloir tranquillement la garder pour moi, je n’avais pas envie de la présenter à la planète, ni la laisser se faire prendre par la famille ou les amis(e)s. Ah, je me voyais changer…
Comme dans l’histoire du Petit Prince avec sa Rose. Mon amour envers elle a grandi d’instant en instant, de regard en regard… Puis, ma grande fille a commencé à l’appeler « Ma petite sœur », puis j’ai commencé à l’appeler « Ma petite fille », puis « Mes deux filles »... Puis, son prénom arrivait un peu plus facilement dans mes pensées, dans ma bouche. Elle s’appelait Elizabeth Anne, et c’était « ma fille ».
Une mentore m’a déjà dit qu’on ne pouvait pas aimer quelqu’un qu’on ne connaissait pas encore. Ses mots résonnaient dans mon cœur dernièrement. Donc à l’inverse, tous ceux que nous connaissons bien, nous n’avons pas d’autre choix que de les aimer, car nous comprenons leurs intentions, leurs couleurs, leur beauté. À méditer.
Normal de ne pas être encore à l’aise avec « la petite fille »… ? Eh oui, je me réponds à moi-même. Je me donne un peu de compassion et d’indulgence. Nouvelle maman fatiguée, qui fait de son mieux, c’est correct, c’est normal.
Avec de l’introspection, je crois que le plus difficile dans ce processus d’attachement et d’apprivoisement aura été la culpabilité et mon propre pardon d’avoir cru que je devais aimer ce petit être à sa première seconde de vie, sans trop savoir pourquoi. Accepter que mon propre rythme était le bon, le mien, à moi. Sans jugement ni comparaison.
Accepter que c’est correct. Accepter que c’est normal.
NATHALIE LAUZON
Coach professionnelle, auteure et artiste
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