Comprendre les hypersensibilités sensorielles

Ça pique ! C’est trop fort ! Ça sent mauvais ! ­Vous croyez votre enfant capricieux ? ­Et s’il était plutôt aux prises avec de l’hypersensibilité sensorielle ?

Quand j’étais petite, je n’aimais pas qu’on se tienne trop près de moi, qu’on me tienne la main, qu’on me donne des câlins et encore moins des bisous. Je n’aimais pas les vêtements rugueux, piquants, laineux, serrés ou portant une étiquette... En somme, je détestais tous les vêtements qui n’étaient pas amples ou en coton. La liste de mes aversions était longue et touchait aussi les odeurs, les bruits et les stimulations visuelles.

Ce n’est qu’à l’âge adulte que j’ai su ce qui se passait. J’ai des hypersensibilités sensorielles. Au quotidien, cela signifie que mon système nerveux : 

• ­Prête attention à des sensations banales sans importance ou ne s’y habitue pas. Par exemple, la sensation de mon collier à mon cou reste vive toute la journée.
• Amplifie des sensations inutilement. Par exemple, si une personne marche dans la pièce voisine, j’entends ses pas comme s’il y avait un ballon qui rebondissait à côté de moi.
• ­Ne nuance pas l’intensité de ce qu’il perçoit. Par exemple, je n’entends
  pas les voix de deux personnes qui se parlent près de moi puis, soudainement,
  je les perçois comme si elles criaient.
• Ne combine pas les sensations complexes en une seule sensation de fond. Par exemple, ce qui devrait être un « bruit de cafétéria » est plutôt perçu comme cent bruits distincts traités individuellement, mais tous en même temps. Le cerveau ne sait littéralement pas « où donner de la tête ».

Ces défis liés à la filtration des informations épuisent le cerveau et l’amènent souvent en situation de surcharge. Lorsque la personne qui vit avec des hypersensibilités sensorielles ne sait pas que ses sens traitent l’information différemment, l’impact est encore plus important. Avant de savoir que mes perceptions étaient différentes de celles des autres, je ne comprenais pas comment les autres pouvaient tolérer tout ça, alors que, moi, je n’y arrivais pas.

Il est donc essentiel de mieux comprendre les hypersensibilités sensorielles pour mieux les reconnaître chez les enfants et aider ces derniers à comprendre et à gérer leur monde sensoriel.

Au quotidien, vous reconnaîtrez l’enfant qui a des hypersensibilités sensorielles à ses paroles et à ses comportements de protection : 
• NON ! Je ne veux pas faire ça ! Je ne veux pas aller là !
• Je ne veux pas ce chandail-là ! Je veux celui-là !
• Ça gratte, ça pique, ça brûle ! Ça fait mal ! Ne me touche pas !
• C’est trop fort ! Arrête le bruit, arrête de crier !
• L’enfant pince son nez, couvre ses yeux et ses oreilles avec ses mains...
• L’enfant s’isole, se cache, refuse, s’oppose, s’enfuit, crie, frappe...
• L’enfant ne s’endort pas, ne mange pas...

Vous trouvez que ça ressemble à des caprices ? ­Plusieurs personnes pensent ainsi, car les troubles sensoriels sont difficiles à dépister. Aucun test médical ne permet de les identifier, et leur présentation varie d’un enfant à l’autre. Ils varient aussi chez un même enfant, d’une journée ou d’un moment à l’autre. Par exemple, si l’enfant se dit torturé par le bruit de l’aspirateur un matin, il est tout à fait possible qu’il n’y réagisse pas la semaine suivante. De plus, étant donné que les stimuli irritants pour l’enfant ne sont pas nécessairement perçus comme étant intenses par les membres de l’entourage, ­ceux-ci pourraient avoir tendance à ne pas croire l’enfant qui s’en plaint.

Par ailleurs, l’hypersensibilité sensorielle (percevoir trop, réagir trop) n’est qu’une facette d’un trouble sensoriel, qui peut aussi se présenter sous forme d’hyposensibilité (ne pas percevoir, ne pas réagir assez) ou encore d’une recherche intense de stimulation (toucher à tout, bouger tout le temps, faire des bruits constamment...), et ce chez le même enfant !

En somme, ce handicap est généralement imperceptible pour les autres et masqué par des comportements difficiles.

Diminuer l’impact au quotidien
À la lumière de ces informations, si vous avez l’impression que votre enfant vit avec des hypersensibilités sensorielles, ou toute autre forme de différence qui affecte le traitement des informations sensorielles, consultez un ergothérapeute. ­Celui-ci vous aidera à mieux comprendre le profil sensoriel de votre enfant et il vous offrira des stratégies conçues pour en diminuer l’impact au quotidien. L’ergothérapeute est le professionnel qui est formé pour identifier les troubles du traitement de l’information sensorielle et intervenir.

D’ici là, voici quelques pistes pour accompagner l’enfant qui vit avec des hypersensibilités sensorielles.

• Retenir que l’enfant n’exagère pas lorsqu’il exprime un malaise par rapport à une stimulation sensorielle. Sa perception à lui est amplifiée. Le bruit ou la lumière qui le dérange est réellement intolérable pour lui.
• Miser sur l’empathie, l’écoute et la validation de ce que l’enfant témoigne vivre. Cela est plus sécurisant et efficace que de s’attarder à la gestion de ses comportements difficiles.
• Apprendre à reconnaître et à anticiper les stimulations irritantes pour l’enfant pourra permettre d’en éviter plusieurs et d’outiller l’enfant pour qu’il apprenne à mieux les gérer, par exemple avec une échelle de bruit ou des coquilles insonorisantes.
• ­Enseigner à l’enfant à exprimer ce qui l’irrite avec des mots spécifiques, dissociés des contextes (p. ex. « ­Je n’aime pas l’odeur du cuir », plutôt que « ­Je n’aime pas l’oncle ­Jean qui a un manteau en cuir »). Cela permet d’envisager davantage de solutions.

En terminant, retenons que l’hypersensibilité sensorielle n’est pas une maladie. Elle ne se guérit pas. Cependant, c’est une condition qui se gère. Je peux percevoir trop, mais apprendre à ne pas réagir trop. Voilà une distinction qui peut réellement transformer le quotidien !

Josiane ­Caron ­Santha
Ergothérapeute en pédiatrie depuis plus de vingt ans, Josiane est maintenant formatrice en ligne, autrice et vulgarisatrice sur les médias sociaux. Elle s’intéresse à tout ce qui touche le développement et le fonctionnement de l’enfant.
www.josianecaronsantha.com

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